11 Janvier 2024
#Lechantdesvaincus #NetGalleyFrance !
« Les hommes jugent les autres pour s’absoudre. Aucune drogue au monde n’est aussi grisante que la moralité. Le plaisir est fleur de cytise – il s’évanouit en un éclair fulgurant. En revanche, la vertu est d’une indomptable énergie, pareille à celle du banian en constante régénération. Elle déploie de nouvelles branches. Elle engendre sa propre forêt. »
Dans une prison indienne qui nous rappelle l’Enfer de Dante, les espoirs, les bassesses, les trahisons et les victoires des détenus prennent vie en un chœur foisonnant.
Les hiérarchies qui ont cours dans ce royaume d’airain sont nombreuses et subtiles : les allégeances religieuses, l’appartenance de classe et de caste et même la nature du crime définissent le rang. Chaque cellule a ses habitants et ses lois propres : dans le Cloaque s’entasse le sous-prolétariat ; le Pakistan abrite les musulmans ; la Maison d’hôtes est réservée aux prisonniers VIP et à leurs larbins ; le Bhoutan est la cellule des paisibles.
Avec une langue lyrique et crue, Tarun J Tejpal donne à entendre les chants des vaincus, ceux qui n’ont plus foi en rien mais survivent par l’énergie du désespoir. L’auteur du best-seller international Loin de Chandigarh signe une fresque éblouissante, mêlant épopée indienne traditionnelle et roman contemporain pour explorer la grande question de la justice des hommes.
Foisonnant c'est le premier terme qui vient à l'esprit quand on évoque ce pavé. Foisonnant de personnages et donc de récits de vie, dans un univers étroit, surpeuplé, sombre. Ce cloaque mélange des tas d'individus coupables ou pas, puisque de justice il n'est pas question ici ; toute la hiérarchie sociale indienne, des pauvres aux riches. C'est une parabole de l'Inde : avec toutes ses différences de langue, de caste, de métier, de religion....
Les récits évoquent donc des vies différentes et permettent un regard sur la société indienne : de voir la violence et la corruption, le désespoir et les traditions, les us et coutumes. Chaque communauté se retrouve ci épinglée mais l'Etat indien aussi avec son mode de fonctionnement, sa corruption. On trouve cependant dans le récit aussi des traces, des moments d'humanité ; l'art, les dons, l'amour. Des personnages sont emblématiques dans ces myriades d'histoires et de personnages. Leurs histoires respectives sont offertes au lecteurs par bribes, au fur et à mesure de l'avancée dans la lecture et dans la découverte de la prison, dans le foisonnement de vie ou de survie dans les étages de la prison.
Le lecteur s'y égare et s'y perd souvent -tant de personnages, tant de récits - la lecture nécessite de reprendre son souffle, de respirer l'air pur avant de retomber dans ces méandres infernaux, dans ces sombres destins, dans cette prison et cette société qui écrase les hommes, qui les animalise. C'est une lecture longue, dans une langue crue qui offre le portrait d'un monde complexe et une société difficile à saisir.