Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent..... E.E. Schmitt Albin Michel

                                                                                          Résumé

Lors d'une exposition de masques, Beethoven revient dans la vie d'Eric-Emmanuel Schmitt : surpris, il se rappelle l'avoir aimé passionnément pendant son adolescence.

Pourquoi ne l'écoute-t-il plus ?

Pourquoi n'a-t-il plus eu besoin de sa passion, sa véhémence, sa noblesse ?

Réfléchissant à partir de sa propre vie, Schmitt médite sur notre époque qui ne croit ni en Dieu ni en l'homme, où l'individu se sent broyé et inutile. Il ausculte notre temps désespéré que l'idéal de grandeur a quitté

Un essai brillant et intime, fait d'émotions, de surprises et d'émerveillements où Schmitt élucide ce génie, créateur d'une ''messe pour l'humanité'', un homme infirme, seul, malheureux, accablé par le sort, qui écrit pourtant une oeuvre énergique couronnée par un hymne à la joie.

Comment peut-on avoir le sens du tragique et se montrer optimiste ?

Tel sera le défi pour notre siècle ; tel est le message de Beethoven : il nous propose une philosophie et une morale humaniste dont nous avons un urgent besoin.

La musique, c'est du bruit qui pense.
Victor Hugo
J'aurais envie d'ajouter qu'elle est aussi "du bruit qui fait penser", tant elle nous console, apaise, enthousiasme ou régénère.

   Difficile pour moi d'être objective avec un ouvrage d'E.E.Schmitt...je suis fan absolue. 

Les seuls ouvrages que je n'avais pas lus sont ceux sur les musiciens. Un préjugé stupide. Rien que le nom du compositeur m'illusionnait dans un récit réservé à une élite...

Et pourtant j'ai dévoré cet essai suivi (ô surprise) d'une fiction Kiki van Beethoven* qui illustre à la perfection les idées présentées dans le précédent essai. J'ai été époustouflé par l'art d'E.E.Schmitt qui passe d'un genre d'écriture à un autre : l'essai à la fiction. Son art se dévoile sous nos yeux. Toutes les oeuvres d'E.E.Schmitt sont des paraboles d'idées philosophiques et là on assiste à la transformation (à défaut de la réalisation)  des idées pures à leur mise en scène par les mots. J'applaudis cet exercice, j'ai adoré comparer les deux oeuvres, passer de l'idée et voir son application dans la vie quotidienne d'un personnage. C'est un plus , un cadeau de l'auteur pour son lecteur. 

                                                                    * Résumé de Kiki van Beethoven :

"L'aventure d'une femme, la soixantaine rayonnante, laquelle va ,grâce à la musique, changer sa vie ainsi que celle de ses trois amies. Une fable sur la jeunesse perdue et les secrets ensevelis. 

"— Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent !
Mme Vo Than Loc avait lancé cette phrase, farouche.
Elle me consulta en essuyant la sueur sur son front.
— Vous n’êtes pas de mon avis ?
Je la fixai sans répondre. Elle insista.
— Il y a des gens dont la vie est vaine. Ils ne servent à rien.
— Ils font des enfants ?
— Oui, ils font des enfants ! Des enfants comme eux, des enfants qui ne servent à rien ! Ah ça, ils se reproduisent... Mais vous n’allez pas vous réjouir que des inutiles fabriquent de nouveaux inutiles, non ? Si c’est cela, le sens de la vie, très peu pour moi, je ne signe pas, je démissionne."

 Revenons à l'essai : l'auteur nous confie ses relations -complexes- avec le compositeur Beethoven . Puisque malgré la mort quelques siècles avant du grand homme, E.E.Schmitt en a fait un ami présent dans sa vie d'adolescent et cette relation amicale comme toutes les autres revient à l'âge adulte, malgré les années. C'est avec naturel que l'on redécouvre les symphonies de Beethoven. .

  L'ouvrage aborde des thèmes et des problématiques ainsi : 

- La musique de Beethoven, art mais surtout travail de l'art 

- La technique de la musique est elle seule signifiante ? ou la musique malgré sa technique est-elle passeuse voire amplificatrice de sens ? 

- Beethoven a-t-il offert une morale ? un but à la vie ? 

Ces souvenirs nous permettent de prendre la mesure de la musique du grand homme, la mesure de son histoire, de ses valeurs, de son humanisme. J'ai redécouvert la musique du compositeur. L'idée d'associer un CD avec le livre offre un moment de profonde découverte : écouter les oeuvres tout en lisant le ressenti, l'interprétation d'E.E.Schmitt. C'est un saut dans la musique, mise en mots par E.E.E Schmitt qui ouvre sur le ressenti du lecteur . On s'attache à saisir aussi la profondeur de ces musiques que l'on a tous déjà entendues, peut être/ certainement sans l'écouter réellement. Mais c'est chose faite avec ce livre ! La plongée est lumineuse. 

  L'oeuvre de 2010 s'inscrit à la suite de cet ouvrage sur Mozart. E.E.Schmitt annonce son intention de le faire suivre d'un texte sur Bach puis sur Schubert. A ce jour, j'ignore si ils ont été menés à terme.